Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
CELLE QUI M’AIME

Comme elle s’arrêtait une seconde, je saisis sa main et la baisai. Elle leva la tête et me sourit vaguement, sans chercher à retirer ses doigts. Me voyant rester muet, l’émotion me serrant à la gorge, elle haussa les épaules et reprit sa marche rapide.

Je courus à elle et l’accompagnai, mon bras serré à sa taille. Elle eut un rire silencieux ; puis frissonna et dit à voix basse :

— J’ai froid : marchons vite.

Pauvre ange, elle avait froid. Sous le mince châle noir, ses épaules tremblaient au vent frais de la nuit. Je l’embrassai sur le front et lui demandai doucement :

— Me connais-tu ?

Une troisième fois elle leva les yeux, et sans hésiter :

— Non, me répondit-elle.

Je ne sais quel rapide raisonnement se fit dans mon esprit. À mon tour je frissonnai.

— Où allons-nous ? lui demandai-je de nouveau.

Elle haussa les épaules, avec une petite moue d’insouciance, et me dit de sa voix d’enfant :

— Mais où tu voudras, chez moi, chez toi, peu importe.