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ET DU PETIT MÉDÉRIC

— Mon frère Médéric, interrompit Sidoine, je suis un ignorant et je crains fort de ne pas te comprendre. Si peu que parler te fatigue, il est plus profitable pour nous deux que tu gardes le silence.

— Comme toujours, mon mignon, tu dis une sottise. J’ai en ce moment un intérêt considérable à t’entretenir sur les connaissances humaines ; car, sache-le, je ne me propose rien moins que de vulgariser ces connaissances. Avant tout, sais-tu ce que c’est que vulgariser ?

— Non. Quitte à dire une nouvelle sottise, l’expression me paraît barbare.

— Vulgariser une science, mon mignon, c’est la délayer, l’affadir autant que possible, pour la rendre d’une digestion facile aux cerveaux des enfants et des pauvres d’esprit. Voilà ce qui arrive : les savants dédaignent ces vérités cachées sous de lourdes et inutiles draperies, et leur préfèrent les vérités nues ; les enfants, jugeant avec raison les études sérieuses venir en leur temps, toujours assez tôt, continuent à jouer jusqu’à l’âge où ils peuvent monter le rude chemin du savoir sans se bander les yeux ; les pauvres d’esprit, je parle de ceux qui n’ont pas la sagesse de se boucher les oreilles, écoutent tant bien que mal les plus belles vulgarisations, s’en bourrent immodérément le cerveau et deviennent des sots complets. Ainsi, personne ne profite de cette idée éminemment philanthropique qui consiste à mettre la science à la portée de tout le monde, personne, si ce n’est le vulgarisateur. Il a