Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
AVENTURES DU GRAND SIDOINE

pensées miséricordieuses de tous les braves cœurs de femmes aimant en ce monde.

Primevère donna, dès sa naissance, plusieurs preuves de sa mission ; elle naissait pour protéger les faibles et faire des œuvres de paix et de justice. Je ne te dirai point, quand sa mère l’enfanta, qu’on remarqua plus de soleil aux cieux, plus d’allégresse dans les âmes. Cependant, ce jour-là, les hirondelles du toit causèrent de l’événement plus tard que de coutume. Les loups ne s’attendrirent pas, les larmes de joie n’étant guère dans leur nature ; mais les brebis, passant devant la porte, bêlèrent doucement, se regardant avec des yeux humides. Il y eut parmi les bêtes du pays, j’entends les bonnes bêtes, une sorte d’émotion qui adoucit pour une heure leur triste condition de brute. Un Messie était né, attendu de ces pauvres intelligences ; je te le demande, et cela sans raillerie sacrilège, dans leurs souffrances et leurs ténèbres, ne doivent-elles pas, comme nous, espérer un Sauveur ?

Couchée dans son berceau, Primevère, en ouvrant les yeux, accorda son premier sourire au chien et au chat de la maison, assis sur leurs derrières, aux deux bords du petit lit, gravement, comme il sied à de hauts dignitaires. Elle versa sa première larme, tendant les mains vers une cage où chantait tristement un rossignol ; lorsque, pour l’apaiser, on lui eut remis la frêle prison, elle l’ouvrit et reprit son sourire, à voir l’oiseau étendre larges ses ailes et monter dans l’air sa patrie.

Je ne puis te conter, jour par jour, sa jeunesse