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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

murs jaunes, s’élevant comme par enchantement ! de splendides édifices, décorant d’immenses places plantées d’arbres et de réverbères ! Bâtir n’est rien encore, mais que démolir a de charmes ! Nous démolirons plus que nous ne bâtirons. La cité sera rasée, nivelée, débarbouillée, badigeonnée. Nous changerons une ville de vieux plâtre en une ville de plâtre neuf. De pareils miracles, je le sais, coûteront beaucoup d’argent ; comme ce n’est pas moi qui payerai, la dépense m’inquiète peu. Je tiens, avant tout, à laisser des traces glorieuses de mon règne, et rien ne me paraît plus propre à étonner les générations futures, qu’une effroyable consommation de chaux et de briques. D’ailleurs, j’ai remarqué ceci : plus un roi fait bâtir, plus son peuple se montre satisfait ; il semble ne pas savoir quels sots payent ces constructions, et croire naïvement que son aimable souverain se ruine pour lui donner la joie de contempler une forêt d’échafaudages. Tout ira pour le mieux. Nous vendrons très-cher les embellissements aux contribuables, et nous distribuerons les gros sous aux ouvriers, afin qu’ils se tiennent tranquilles sur leurs échelles. Ainsi, du pain au menu peuple et l’admiration de la postérité. N’est-ce pas très-ingénieux ? Si quelque mécontent s’avisait de crier, ce serait à coup sûr mauvais cœur et pure jalousie.

« Mon règne sera un règne de maçons.

« Vous le voyez, mes bien-aimés sujets, je me dispose à être un roi très-amusant. Je vous chargerai de