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ET DU PETIT MÉDÉRIC

coucha à plat ventre, ayant soin de ne passer que la tête ; puis il saisit une mèche de cheveux qu’il rencontra sous sa main, afin de ne pas être jeté à bas dans la bagarre. Ayant ainsi pris ses dispositions, il déclara être prêt pour le combat.

Aussitôt, Sidoine, sans crier gare, tomba sur les Verts à bras raccourcis. Il agitait ses poings en mesure, ainsi que des fléaux, et battait l’armée à coups pressés, comme blé sur aire. En même temps il lançait ses pieds à droite et à gauche, au beau milieu des bataillons, lorsque quelques rangs plus épais lui barraient le passage. Ce fut un beau combat, je te l’assure, digne d’une épopée en vingt-quatre chants. Notre héros se promenait sur les piques, sans plus s’en soucier que de brins d’herbes ; il allait, de çà, de là, et ouvrait de toutes parts de larges trouées, écrasant les uns contre terre et lançant les autres à vingt ou trente mètres de hauteur. Les pauvres gens mouraient, n’ayant seulement pas la consolation de savoir quelle rude main les secouait ainsi. Car, au premier abord, quand Sidoine se reposait tranquillement sur la pyramide, rien ne le distinguait nettement des blocs de granit. Puis, lorsqu’il s’était dressé, il n’avait pas laissé à l’ennemi le temps de l’envisager. Observe qu’il fallait au regard deux bonnes minutes, pour monter le long de ce grand corps, avant de rencontrer une figure. Les Verts n’avaient donc pas une idée très-nette de la cause des formidables bourrades qui les renversaient par centaines. La plupart pensèrent sans doute, en expirant, que la pyra-