Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
AVENTURES DU GRAND SIDOINE

il allumait le feu, les couvrait de braise et se brûlait les doigts à les retirer.

Ces menus soins domestiques n’exigeaient pas grandes ruses ni grande force de poignets. Mais il faisait bon voir les deux compagnons dans les exigences plus graves de la vie, comme lorsqu’il fallait se défendre contre les loups, pendant les nuits d’hiver, ou encore se vêtir décemment, sans bourse délier, ce qui présentait des difficultés énormes.

Sidoine avait fort à faire pour tenir les loups à distance ; il lançait à droite et à gauche des coups de pied à renverser une montagne, et, le plus souvent, ne renversait rien du tout, par la raison qu’il était très maladroit de sa personne. Il sortait ordinairement de ces luttes les vêtements en lambeaux. Alors le rôle de Médéric commençait. De faire des reprises, il n’y fallait pas songer, et le malin garçon préférait se procurer de beaux habits neufs, puisque, d’une façon comme d’une autre, il devait se mettre en frais d’imagination. À chaque blouse déchirée, ayant l’esprit fertile en expédients, il inventait une étoffe nouvelle. Ce n’était pas tant la qualité que la quantité qui l’inquiétait : figure-toi un tailleur qui aurait à habiller les tours Notre-Dame.

Une fois, dans un besoin pressant, il adressa une requête aux meuniers, sollicitant de leur bienveillance les vieilles voiles de tous les moulins à vent de la contrée. Il demandait avec une grâce sans pareille, et il obtint bientôt assez de toile pour confectionner un su-