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LES VOLEURS ET L’ÂNE

Alors, à l’endroit le plus resserré, nous entendîmes un bruit de voix, et soudain trois personnes surgirent à un des coudes du feuillage. Deux jeunes gens marchaient en avant, écartant les branches trop longues. Une jeune femme les suivait.

Je m’arrêtai et je saluai. Le jeune homme qui me faisait face, m’imita. Puis, nous nous regardâmes. La situation était délicate : les haies nous pressaient, plus épaisses que jamais, et aucun de nous ne semblait disposé à tourner le dos. C’est alors que Léon, qui venait derrière moi, se dressa sur la pointe des pieds et vit la jeune femme. Sans mot dire, il s’enfonça bravement dans les aubépines ; ses vêtements se déchirèrent aux ronces, et quelques gouttes de sang parurent sur ses mains. Je dus l’imiter.

Les jeunes gens passèrent en nous remerciant. La jeune femme, comme pour récompenser Léon de son dévouement, s’arrêta devant lui, indécise et le regardant de ses grands yeux noirs. Il chercha vite son mauvais sourire et ne le trouva pas.

Lorsqu’elle eut disparu, je sortis du buisson, donnant la galanterie à tous les diables. Une épine m’avait blessé au cou, et mon chapeau s’était si bien niché entre deux branches, que j’eus toutes les peines du monde à l’en retirer. Léon se secoua, et comme j’avais fait un signe d’amitié à la belle passante, il me demanda si je la connaissais.

― Certainement, lui répondis-je. Elle se nomme Antoinette. Je l’ai eue trois mois pour voisine.