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examen. Je réserve, pour les discuter tout à l’heure, les caractères moraux.

Et l’on comprend donc que, lorsque je suis sorti de cette première visite aux Archives, j’ai décidé, avec Me Labori, d’écrire de nouveau au ministre de la guerre, pour lui en faire connaître les résultats et pour lui adresser trois nouvelles demandes. D’abord, je le priai de bien vouloir ordonner des recherches, car il me semblait impossible qu’un dossier judiciaire n’existât pas, qui expliquerait le désordre et les trous du dossier administratif. Ensuite, je lui demandai de faire faire également des recherches au comité du génie, pour y découvrir le dossier du projet de fortification, avec plans à l’appui, que mon père avait soumis au ministre de la guerre en 1831. Enfin, je lui demandai de permettre qu’une expertise contradictoire fût faite sur la lettre Combe : il aurait désigné un expert, j’en aurais choisi un autre, et l’expertise aurait eu lieu, sur les pièces de comparaison que le bureau des Archives se serait chargé de fournir.

J’avais écrit cette nouvelle lettre au général de Galliffet le 4 janvier dernier. Et, le 9 janvier, je recevais de son chef de cabinet, le général Davignon, une réponse qui a fait entrer mon enquête dans une nouvelle phase.

Le général Davignon m’écrivait : « Le ministre de la guerre me charge de vous informer que l’examen auquel ont donné lieu les diverses demandes que vous lui avez adressées, après avoir pris une première communication du dossier de M. François Zola, et les recherches qui en ont été la conséquence, ont permis de retrouver dans les bureaux de la direction du contentieux et de la justice militaire, un autre dossier se rapportant à l’affaire concernant M. François Zola. » Et le général Davignon terminait en me disant que le ministre m’attendrait à son cabinet le samedi 13 janvier, pour régler dans quelles conditions le nouveau dossier me serait soumis.

Le 13 janvier, je trouvai, dans le cabinet du général de Galliffet, le directeur du contentieux et de la justice militaire, M. le contrôleur général Cretin, un conseiller d’État, détaché au ministère de la guerre, depuis quelques mois seulement. Je veux tout de suite dire la haute impartialité et la grande obligeance que j’ai trouvées en lui. Il avait rédigé sur mes trois demandes un court rapport, dont le ministre voulut bien me donner lecture. L’expertise contradictoire n’était pas acceptée, pour des raisons que j’aurai à dire plus loin. Des recherches allaient être faites au comité du génie. Enfin, il était entendu que M. le contrôleur général allait me donner connaissance du nouveau dossier découvert.

J’ai remercié vivement le général de Galliffet, et j’ai suivi M. Cretin dans son bureau, où il a mis le dossier à ma disposition. Encore un dossier dans une véritable chemise du temps, mais toujours un dossier sans bordereau ni cotes. C’est désolant, ces vieux dossiers du ministère de la guerre sont vraiment trop à la merci du vent qui souffle. D’ailleurs, je n’ai trouvé là qu’une pièce intéressante, une lettre du duc de Rovigo, que les autres pièces, sept ou huit, des lettres de bureau à bureau, ne font qu’appuyer. Et, avant de me retirer, j’ai pu prendre immédiatement copie de cette lettre, qui a pour moi une importance considérable.

Je donne donc cette lettre en entier. Il faut remarquer que le duc de Rovigo était alors le commandant en chef de notre corps d’occupation, à Alger, que le général Trézel était son chef d’état-major, et que le colonel Combe, commandant la légion étrangère, se trouvait naturellement sous ses ordres.

« Alger, le 17 septembre 1832.
« Monsieur le Maréchal,

« Par la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser le 27 août dernier, vous désapprouvez que le sieur Zola, lieutenant à la légion étrangère, ait été mis en liberté en attendant que Votre Excellence ait prononcé sur la démission de cet officier. Je regrette que, dans la lettre que le chef de l’état-major vous a écrite, le 15 juillet, sur cette affaire, il n’en ait pas donné tous les détails ; mais le rapport du colonel de la légion devait y suppléer. Voici les faits :

« Dans les premiers jours de mai, le lieutenant Zola disparut de son régiment, et l’on trouva sur le rivage, près d’Alger, des vêtements qui furent reconnus lui avoir appartenu. La première idée qu’eurent ses chefs fut qu’il s’était noyé volontairement ou par accident ; mais ses liaisons connues avec la femme d’un ex-sous-officier réformé, nommé Fischer, qui venait de s’embarquer pour la France, firent soupçonner qu’il pouvait être avec eux. La vérification des magasins d’habillement et des comptes du sieur Zola constatait un déficit. C’était un nouveau motif pour rechercher cet officier. On visita donc le bâtiment sur lequel étaient Fischer et sa femme, il ne s’y trouva pas ; mais on découvrit une somme de 4,000 francs, dans une de leurs malles. Ils prétendirent d’abord qu’elle leur appartenait, puis avouèrent que 1,500 francs y avaient été déposés par Zola. Ils furent débarqués et conduits en prison. Alors, celui-ci écrivit au général en chef que, s’il voulait lui donner sa parole d’honneur qu’on ne le mettrait pas en jugement, il se présenterait lui-même, ferait régler ses comptes et payerait le déficit qui serait reconnu. Le conseil d’administration de la légion étrangère craignait que ce déficit ne fût considérable et ne retombât sur lui, si l’on ne retrouvait pas M. Zola. La somme trouvée dans la malle de Fischer n’offrait que 1,500 francs qui pussent être saisis, puisque le sous-officier prouvait par actes authentiques qu’il avait reçu d’Allemagne 2,500 francs peu de temps auparavant. M. Zola n’était encore soupçonné que de mauvaise administration. Il n’y avait pas de plainte juridique contre lui. On devait donc saisir cette ouverture, et je n’hésitai point. Cet officier serait même resté libre si je n’eusse craint que, pendant le règlement de ses comptes, il ne disparût de nouveau. Tout le reste de cette affaire est connu de Votre Excellence. Elle n’y verra certainement pas de mesures illégales et contraires aux principes de la justice. Je n’ai point exercé les pouvoirs d’une chambre de conseil des tri-