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HISTOIRE EUBÉENNE.


d’où je venais, comment j’avais abordé sur cette côte, et si mon navire ne s’y était pas brisée. « Je montais, lui dis-je, une barque des plus petites, où je m’étais embarqué seul, pour affaire, avec quelques pêcheurs ; cependant elle a été jetée à la côte et brisée. — Il était difficile, reprit-il, qu’il en fût autrement ; vois en effet combien est sauvage et tourmenté le côté de l’île qui regarde la mer ; ce sont là ces écueils de l’Eubée si célèbres, où jamais vaisseau n’a donné sans se perdre. A grand’peine même voit-on quelques rares passagers échapper, et encore faut-il qu’ils montent, comme vous, un navire d’une extrême légèreté. Mais suis-moi et ne crains rien. Pour le moment, la seule chose à faire est de te remettre de tes fatigues ; demain nous ferons de notre mieux pour te tirer d’embarras ; c’est mon affaire, du moment où je t’ai rencontré. Tu m’as l’air d’un habitant de la ville ; car tu n’as rien d’un marin ni d’un artisan ; mais, à voir ta maigreur, il semble que tu sois souffrant et débile. » Je le suivis sans hésitation ; que pouvais-je craindre, ne possédant qu’un mauvais manteau ? Bien des fois je m’étais trouvé en pareille situation dans le cours de mes longues pérégrinations, et en toute autre circonstance, comme dans celle-ci, l’expérience m’a appris que la pauvreté est vraiment chose sacrée et inviolable, et que partout on respecte le pauvre à l’égal du héraut armé du caducée. Je marchais donc hardiment, en homme qui ne possède rien qu’un méchant manteau. Il y avait environ quarante stades jusqu’à son habitation : tout en cheminant, il se mit à me parler de ses affaires, de la vie qu’il menait avec sa femme et ses enfants, a Nous sommes deux, me dit-il, établis dans le même lieu ; nous avons épousé mutuellement la sœur l’un de l’autre et nous en avons eu des enfants, garçons et filles. Nous vivons principalement de notre chasse et nous y joignons le produit d’un petit champ que nous, 4Cullivons. Ces terres ne nous appartiennent pas ; nous ne