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LUCIUS.


logis : pressé, harcelé par eux, touché du bâton, je heurte du pied contre une pierre tranchante qui me blesse au vif, et me voilà tout endolori, boiteux pour le reste de la route. Je les entendais se dire entre eux : « Qu’avons-nous affaire de nourrir un pareil âne, qui bronche à chaque pas ; précipitons en bas des rochers cette bête de mauvais augura. — Eh oui ! disaientils, précipitons-le en guise de victime expiatoire pour notre armée.)> Déjà ils accouraient autour de moi ; mais j’avais tout entendu. Dieu merci : je me mis à trotter sur mon pied malade, comme si j’avais été valide ; car la peur de la mort me rendait insensible à la douleur.

XXIII. Arrivés au gîte, ils nous déchargèrent, serrèrent leur prise en bon lieu, et se mirent à table pour dîner. A la nuit, ils repartirent pour aller chercher le restant des bagages, a A quoi bon, dit l’un d’eux, nous embarrasser de ce misérable âne, boiteux et hors do service comme le voilà ? Le cheval portera une partie du butin, et nous nous chargerons du reste. » Le cheval partit donc seul avec eux. La lune brillait en ce moment de tout son éclat. Resté seul, je me parlais ainsi à moi-même : « Malheureux ! pourquoi demeurer plus longtemps ici ? Les vautours et les petits des vautours feront de toi leur diner. N’as-tu pas entendu ce qu’ils ont comploté contre toi ? Veux-tu aller faire visite au fond du précipico ? 11 est nuit ; la lune brille ; ils sont partis ; fuis et tire-loi des mains de tes brigands de maîtres. » Tout en raisonnant ainsi, je m’aperçois que je ne suis point attaché. Le licou avec lequel on me traînait en route était là suspendu à côté de moi ; cela ne fait que de me confirmer dans ma résolution de fuir : je prends la porte et je décampe. Mais la vieille qui m’avait vu disposé à m’évader, me saisit par la queue et s’y tient suspendue. Je me dis alors que le précipice, que mille morts même ne sont rien en comparaison de la honte d’être pris par cette