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rait ; elle le baisait en essuyant ses blessures ; elle poussait des gémissements et doutait encore de sa possession. Cette vue inspira aux Égyptiens de tout autres sentiments « Comment seraient-ce là, disaient-ils, les actions d’une déesse ; comment une divinité embrasserait-elle avec cette ardeur passionnée un cadavre ? » Ils firent donc effort sur eux-mêmes, reprirent un peu confiance, et résolurent d’approcher pour savoir au juste ce que cela signifiait. Le premier moment de stupeur passé, ils coururent au rivage, surprirent la jeune fille encore penchée sur les blessures du jeune homme, et s’arrêtèrent derrière elle, immobiles, sans oser ni rien dire, ni rien faire. Au bruit qu’ils firent, à la vue de leur ombre qui frappa ses yeux, la jeune fille tourna la tête en arrière ; mais lorsqu’elle les vit, elle la retourna tranquillement, sans que leur couleur étrange, leur aspect et leurs armes, qui révélaient assez des brigands, eussent pu l’émouvoir en rien, ni la détourner du malheureux aux soins duquel elle était tout entière. Tant il est vrai qu’une passion violente, un amour sans mélange, ne tient compte de rien de ce qui lui est extérieur, plaisir ou peine, et ne permet de voir que l’objet aimé, d’avoir de pensée que pour lui.

III. Les brigands, avançant de quelques pas, se placèrent devant elle et parurent se disposer à entreprendre davantage alors l’enfant releva de nouveau la tête, et, voyant leur couleur noire, leur aspect hideux : « Si vous êtes, dit-elle, les ombres de ceux qui sont là gisants, c’est à tort que vous nous tourmentez ; car, pour la plupart, vous vous êtes mutuellement égorgés ; si quelques-uns sont tombés sous nos coups, ce n’a été que par le droit d’une légitime défense, pour repousser les outrages et réprimer votre insolence. Si, au contraire, vous êtes du nombre des vivants, votre métier ce semble est la piraterie ; alors vous arrivez à propos ; délivrez-nous des maux qui nous accablent, et, par notre mort, terminez le drame de notre existence. » À