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les coupes à ce nouvel usage, en guise de projectiles. Les convives étaient là gisants, tel blessé d’un coup de hache, tel frappé d’un caillou ramassé à l’endroit même sur la grève ; celui-ci assommé à coups de bâton, celui-là brûlé d’un tison, et ainsi du reste. La plupart cependant étaient tombés percés de traits et de javelots. Un mauvais génie avait entassé sur un étroit espace mille chose affreuses : du vin souillé de sang, un festin mêlé aux horreurs de la guerre, la boisson et le meurtre, les libations et le carnage ; et, pour contempler ce spectacle, des pirates égyptiens. Du haut de la montagne, ils admiraient cette scène sans y pouvoir rien comprendre : ils avaient bien devant eux des vaincus, mais nulle part n’apparaissaient les vainqueurs ; ils voyaient une victoire éclatante, et pourtant les dépouilles intactes ; un vaisseau était là, abandonné, dépourvu d’équipage, et cependant sans aucune trace de pillage, comme s’il y avait eu nombre de gens à le garder ; il se balançait comme dans une paix profonde. Néanmoins, malgré l’impossibilité de rien comprendre à l’événement, envisageant le profit et le butin, ils se constituèrent eux-mêmes vainqueurs et s’élancèrent vers leur proie.

II. Déjà ils étaient près du vaisseau et du champ de carnage, lorsque s’offrit à eux un spectacle bien plus étrange encore : sur un rocher était assise une jeune fille d’une admirable beauté ; on l’eût prise pour une déesse. Malgré ses angoisses, elle respirait encore une noble fierté : sa tête était couronnée de laurier ; un carquois pendait à ses épaules ; son bras gauche était appuyé sur son arc ; la main pendait négligemment ; l’autre coude pressait la cuisse droite, et sur la main sa joue reposait appuyée. Ses yeux, dirigés vers la terre, contemplaient un jeune homme étendu devant elle ; sa tête était immobile. Le jeune homme, criblé de blessures, semblait, quoique bien faiblement, revenir à lui ; il était comme au sortir d’un long sommeil