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PRÉLIMINAIRE.

dis que pour plus d’une raiſon je m’en tenois à la Bierre. Je voulus tirer parti de ces Arméniens, en attendant réponſe à la Lettre que j’avois écrite à Veraple à M. Florent de Jeſus, Évêque d’Arcopolis, & Vicaire Apoſtolique à la Côte Malabare : mais je les trouvai fort ignorans, & uniquement au fait de leur Commerce. Seulement le plus jeune des trois me montra le Dictionnaire Latin-Arménien de Villorte, dont il faiſoit grand cas. Les Lettres que je vis entre les mains de cet Arménien me firent faire des réflexions ſur les reſſources qu’enfante l’avidité. À peine âgé de trente ans il avoit parcouru la Moſcovie, l’Allemagne, la Hollande, l’Angleterre, la France, & étoit muni de Lettres de recommendation & de créance pour tous les Chefs des Comptoirs Européens établis dans l’Inde : il m’en montra même une pour M. de Lally, que l’on attendoit à la Côte.

Au retour d’une petite Fête que l’Aubergiſte nous avoit donnee à ſa maiſon de campagne, & dont les Arméniens avoient payé les frais au Billard, je trouvai à Cochin le P. Anaſtaſe, Miſſionnaire de Matencheri. Il revenoit de Veraple & me remit une Lettre de M. Florent. Les Miſſionnaires Catholiques, ainſi que les Schiſmatiques, vivent fort tranquillement ſous la protection des Hollandois, & exercent en toute liberté les fonctions de leur miniſtere : du tems des Portugais les Miſſionnaires Étrangers étoient obligés de prêter ſerment de ſidélité au Roi de Portugal. Les politeſſes que me fit le Pere Anaſtaſe m’engagerent à l’aller voir au lieu de ſa Miſſion. Il faiſoit bâtir deux petites chambres, & n’avoit alors pour couvert qu’une Paillotte. Ce Pere voulant me traiter avec une ſorte de diſtinction, fut obligé de ſe ſervir de ſon Égliſe. Il me donna dans un coin de la Nef un petit repas d’œufs qui me parut meilleur que la table de l’Aubergiſte Hollandois. Je lui promis de revenir le voir, & formai dès-lors le deſſein de me retirer à Matenchery, pour y vivre en Miſſionnaire. Mes fonds, toujours trop modiques pour un Voyageur, & même ma ſanté, s’accommodoient mieux de cette réforme : j’étois d’ailleurs trop éclairé à Cochin pour pouvoir faire