Page:Yver - Princesses de Science.djvu/415

Cette page a été validée par deux contributeurs.
405
princesses de science

madame Jourdeaux si fiévreusement attendue depuis la veille.

Elle disait :


Mon ami,

Pardonnez-moi la peine que je vais vous faire. Je me réveille enfin d’un long et coupable sommeil. Dieu a permis que ce fut avant d’avoir sombré dans le mal.

Vous êtes uni à une noble femme dont vous avez le devoir de faire le bonheur. Si elle a eu quelques torts, ne les avez-vous pas exagérés ? Examinez-la mieux ; examinez-vous : voyez s’il ne reste pas au fond de vous-même des racines vivaces de l’amour d’autrefois.

J’ai un fils qui aura vingt ans quelque jour. Je suis son éducatrice, et dois rester pour lui l’idéal du bien. Quelle autorité trouverais-je en moi-même si je me laissais aller à une faiblesse inavouable, et que lui répondrais-je le jour où il découvrirait dans le passé de sa mère le secret qu’il faut traîner jusqu’à la fin, en le cachant avec des ruses, des mensonges, une incessante duplicité ?

Entre nous, qu’y a-t-il ? Certes un grand amour, l’amitié la plus douce, mais aussi un bonheur sans base, établi en dehors de tout ordre, de toute loi. Nos destinées, d’elles-mêmes, divergent. Vous avez votre femme et j’ai mon fils. Voilà pour chacun de nous les assises de l’existence véritable, de la vie morale,