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profession la passion la plus noble, la plus intelligente. Elle menait une vie effrénée de pensée, de recherches. Ses maîtres, quelle que fût leur opinion sur la femme-médecin en général, l’admiraient ; elle sentait partout leur sympathie, leur aide. Un jour que madame Herlinge lui demandait : « N’as-tu pas un grand chagrin, comme ton père, lorsque tu perds un malade ? » elle avait pu répondre : « Mais, maman, je n’ai jamais perdu un malade !… » Cette activité, ce tourbillon intellectuel la faisaient pleinement heureuse. Le souvenir douloureux de la mort de son bébé, qu’elle pleurait souvent, disparaissait dans le cercle affolant de ses préoccupations grisantes. Et c’était à tout cela qu’il fallait s’arracher. Son mari l’aimait moins, il l’avouait, et cette confession épouvantait la jeune femme ; mais sauverait-elle leur amour menacé en lui sacrifiant son art avec toutes les satisfactions qu’elle en tirait ? Et elle avait voulu tenter une concluante expérience, se plonger dans une retraite de trois jours, anticiper sur l’acte nécessaire, s’essayer à la vie calme, monotone et effacée de celles qui gardent le foyer. C’est alors que, sous un prétexte de santé, elle avait décidé d’écarter la clientèle trois jours durant, pour se cloîtrer chez elle.

D’abord, elle crut être en prison. Elle avait beau s’astreindre à toutes sortes de travaux et révisions domestiques, surveiller un grand branle-bas auquel furent conviées les deux servantes, sa maison qu’elle n’avait point appris à aimer lui fut maussade,