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révolution ; mais dans cette nécessité personne ne peut blâmer le peuple de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour assurer cette liberté saisie par la violence. Il n’y a de condamnable, dans un tel moment, que ce qui met en danger la liberté de la nation. Je dois cependant avouer ici mes doutes : je ne sais si ce traitement de la famille royale doit être regardé comme une garantie de liberté, ou si, au contraire, ce n’est pas une démarche fort périlleuse qui expose au hasard tout ce que l’on a gagné. Je me suis entretenu avec plusieurs personnes aujourd’hui, et leur ai fait part de mes appréhensions en les peignant même plus vives qu’elles ne sont en réalité, afin de connaître leur sentiment ; il est évident que l’on est à présent dans la crainte d’une contre-révolution. Grande partie de ce danger, sinon le tout, vient de la violence faite à la famille royale. Avant, l’Assemblée nationale ne répondait que des lois et de la future constitution, à présent elle a toute la responsabilité du gouvernement de l’État, du pouvoir exécutif comme du législatif. Cette situation critique a nécessité des efforts constants de la milice parisienne. Le grand but de M. de La Fayette et des autres chefs militaires est d’améliorer sa discipline et de la former assez pour pouvoir y placer leur confiance s’il en était besoin pour le champ de bataille. Mais tel est l’esprit de liberté, même dans les choses militaires, qu’on peut être officier aujourd’hui et rentrer demain dans les rangs, méthode qui rend difficile d’atteindre le point que l’on se propose. L’armée permanente se compose à Paris de 8,000 hommes, payés 15 sous par jour. Dans ce nombre sont compris les gardes françaises qui passèrent au peuple à Versailles ; il y a également 800 cavaliers, coûtant chacun 1 500 liv. (62 liv. st. 15 sh. 6 d.) par an, leurs officiers ont la paye double de ceux de l’armée.