Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelle ordure que cette musique française ! Les contorsions de la dissonance incarnée ! Le théâtre ne vaut pas celui de Nantes, encore bien moins celui de Bordeaux. — 18 milles.

Le 28 — J’avais des lettres pour M. Goudard, grand négociant en soies, et j’étais passé hier chez lui ; il m’avait invité à déjeuner pour ce matin. J’essayai de toutes les façons d’avoir quelques renseignements sur la manufacture de Lyon, ce fuit en vain : toujours c’est selon ou c’est suivant. Visite à M. l’abbé Rozier, auteur du volumineux Dictionnaire d’agriculture in-quarto. Je voulais simplement voir l’homme que l’on élevait aux nues, et non pas lui demander, selon mon habitude, des notions simples et pratiques, qu’il ne fallait pas attendre du compilateur d’un dictionnaire. Quand M. Rozier était à Béziers, il occupait une ferme considérable ; mais en devenant citadin, il plaça sur sa porte la devise suivante : « Laudato ingentia rura, exiguum colito » mauvais excuse pour se passer tout à fait de ferme. Par deux ou trois fois j’essayai d’amener la conversation sur la pratique, mais il s’échappa de ce sujet par des rayons tellement excentriques de la science, que je sentis la vanité de mes tentatives. Un médecin présent à notre entretien me fit observer que si je tenais à des choses purement pratiques, c’était aux fermiers ordinaires qu’il fallait m’adresser, montrant par son ton et ses manières que cela lui semblait au-dessous de la science. M. l’abbé Rozier possède cependant de vastes connaissances, quoiqu’il ne soit pas fermier, et dans les branches où son inclination l’a poussé, il est célèbre à juste titre : il n’est éloge qu’il ne mérite pour avoir fondé le Journal de physique, qui, en somme, est de beaucoup le meilleur qu’il y ait en