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proverbiale, mais elle n’est certainement pas sortie des mœurs de ceux qui fréquentent les auberges. On n’aura pas, une fois sur cent, la moindre attention pour un étranger, parce qu’il est étranger. La seule idée politique qui ait cours chez ces gens-là est que, si les Anglais attaquent la France, il y a un million d’hommes armés pour les recevoir ; et leur ignorance ne semble pas distinguer un homme armé pour défendre sa maison de celui qui combat loin de sa terre natale. Sterne l’a bien remarqué, leur compréhension surpasse de beaucoup leur pouvoir de réfléchir. Ce fut en vain que je leur fis des questions comme les suivantes : Si une arme à feu, rouillée, dans les mains d’un bourgeois en faisait un soldat ? quand les soldats leur avaient manqué pour faire la guerre ? si jamais il leur avait manqué autre chose que de l’argent ? si la transformation d’un million d’hommes en porteurs de mousquets le rendrait plus abondant ? si le service personnel ne leur semblait pas une taxe ? si, par conséquent, la taxe payée par le service d’un million d’hommes aiderait à en payer d’autres plus utiles ? si la régénération du royaume, en mettant les armes à la main a un million d’hommes, avait rendu l’industrie plus active, la paix intérieure plus assurée, la confiance plus grande et le crédit plus ferme ? Enfin je les assurai que, si les Anglais les attaquaient en ce moment, la France jouerait probablement le rôle le plus malheureux qu’elle ait connu depuis le commencement de la monarchie. « Mais, poursuivais-je, l’Angleterre, malgré l’exemple que vous lui avez donné dans la guerre d’Amérique, dédaignera une telle conduite ; elle voit avec peine la constitution que vous vous faites, parce qu’elle la croit mauvaise ; mais, quoi que vous établissiez, Messieurs, vous n’aurez de vos voisins que des