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eux il n’y a qu’absurdité et libertinage ; avec les marchands, un silence morne et stupide. Prenez tout en bloc, vous trouverez plus de bon sens en une demi-heure en Angleterre qu’en six mois en France. Le gouvernement ! Toujours, en tout, le gouvernement ! — 15 milles.

Le 14. — Il y a un cabinet littéraire à Metz, dans le genre de celui que j’ai décrit à Nantes, mais sur une moins grande échelle ; tout le monde y est admis pour lire ou causer, moyennant 4 sous par jour. Je m’y rendis en hâte et trouvai les nouvelles de Paris fort intéressantes, tant celles que donnaient les journaux que d’autres que je tins d’un monsieur que j’y rencontrai. Versailles et Paris sont environnés de troupes : il y a déjà 35.000 hommes ; 20,000 sont en marche ; on rassemble un grand parc d’artillerie, et tout se prépare pour la guerre. Cette concentration a fait hausser le prix des vivres, et le peuple ne distingue pas aisément les achats pour le compte de l’armée de ceux qu’il croit faits pour le compte des accapareurs. Le désespoir s’empare de lui, aussi le désordre est extrême dans la capitale. Un monsieur, d’un jugement excellent, et très considéré, à en croire les égards qu’on avait pour lui, déplorait de la façon la plus touchante la situation de son pays dans un entretien que nous eûmes à ce sujet ; il considère la guerre civile comme inévitable. « Il n’y a pas à en douter, ajoutait-il, la cour, ne pouvant s’accorder avec l’Assemblée, voudra s’en débarrasser ; la banqueroute s’ensuivra, puis la guerre, et ce n’est qu’avec des flots de sang qu’on peut espérer établir une libre constitution : il faut cependant qu’elle s’établisse, car le vieux gouvernement est rivé à des abus désormais insupportables. Il convenait avec moi que les propositions