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peine sortis des misères de deux cents ans de pouvoir absolu, et appelés aux bienfaits d’une constitution plus libre, s’assemblant sous les yeux du public, auquel les portes étaient ouvertes, ce spectacle, dis-je, était bien fait pour raviver toute flamme cachée, toute émotion d’un cœur libéral, pour me faire bannir toute idée que ce peuple s’était montré trop souvent hostile envers le mien, et pour me faire reposer les yeux avec plaisir sur le splendide tableau du bonheur d’une grande nation, de la félicité des millions d’hommes qui n’ont point encore vu le jour. M. l’abbé Sieyès ouvrit les débats. C’est un des principaux zélateurs de la cause populaire ; il ne pense pas à modifier le gouvernement actuel, qui lui paraît trop mauvais pour être modifié en rien ; mais ses idées tendent à le voir renversé, car il est républicain et violent ; c’est la réputation qu’on lui fait généralement, et il la justifie assez par ses pamphlets. Il parle sans grâce et sans éloquence, mais il argumente très bien ; je devrais dire : Il lit, car il lisait, en effet, un discours préparé. Sa motion, ou plutôt sa série de motions, tendait à faire déclarer aux communes qu’elles se considéraient comme l’assemblée des représentants reconnus et vérifiés de la nation française, en admettant le droit de tous les députés absents (de la noblesse et du clergé) d’être reçus parmi eux sur vérification de leurs pouvoirs. M. de Mirabeau parla, sans le secours d’aucunes notes, pendant près d’une heure, avec une chaleur, une animation, une éloquence qui lui donnent droit au titre d’orateur. Il s’opposa, avec une grande force de raisonnement, aux mots reconnus et vérifiés de la motion de l’abbé Sieyès, et proposa à la place le nom de représentants du peuple français, puis avança les résolutions suivantes : qu’aucune autre assemblée ne pût arrêter par un veto l’effet