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incomparablement plus élégante et plus frappante que nos arches de différentes grandeurs. Nous avons vu, ensuite la machine de Marly, qui ne fait plus maintenant la moindre impression. L’ancienne résidence de madame du Barry est sur le coteau, juste au-dessus de cette machine. Elle s’est bâti, au bord de la pente dominant le paysage, un pavillon meublé et décoré avec beaucoup d’élégance. Il y a une table exquise en porcelaine de Sèvres. J’ai oublié le nombre de louis qu’elle coûte. Les Français à qui j’ai parlé de Luciennes se sont récriés contre les maîtresses et les extravagances avec plus de violence que de raison, à mon sens. Qui, en conscience, refuserait à son roi le plaisir d’une maîtresse, pourvu que le jouet ne devînt pas une affaire d’État ? Mais Frédéric le Grand avait-il une maîtresse ; lui faisait-il bâtir des pavillons, et les meublait-il de tables de porcelaine ? Non ; mais il avait un tort cinquante fois plus grand. Mieux vaut qu’un roi courtise une jolie femme que les provinces de ses voisins. La maîtresse du roi de Prusse lui a coûté cent millions sterling et cinq cent mille hommes, et, avant que le règne de cette favorite ne soit passé, elle peut en coûter encore autant. Les plus grands génies et les plus grands talents pèsent moins qu’une plume, si la rapine, la guerre et la conquête en sont les suites.

Saint-Germain. — Fort belle terrasse. J’ai trouvé ici M. de Broussonnet, et nous sommes allés dîner, avec M. Breton, chez le maréchal duc de Noailles, qui a une belle collection de plantes curieuses. J’y ai vu le plus beau sophora japonica que je connaisse. — 10 milles.

Le 10. — Une lettre de M. Richard m’a fait entrer dans le jardin anglais de la reine à Trianon. Il contient environ cent acres, arrangés d’après les descriptions