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tableau de notre globe est celui de notre vie. Qu'elle est misérable cette royauté dont l'homme est si fier! Que ses plaisirs sont resserrés! Que ses maux sont vastes! Les noirs chagrins l'assiègent, les douleurs le déchirent, les passions l'agitent et le tourmentent, les fléaux le dévorent, le gouffre de la mort s'ouvre à tout moment sous ses pas et menace de l'engloutir. O lune, notre malheureux globle est encore plus changeant que le tien. Je te vois pâle et triste; serais-tu un témoin sensible des malheurs de l'espèce humaine ?

Que faisais-je en ne pleurant que sur moi ? Le faible enfant et le maheureux vieillard n'ont d'espoir que dans la pitié d'autrui. La nature a voulu par là nous apprendre à être compatissans. Un cœur qui ne souffre que de ses maux, mérite les peines qu'il endure. Une sensibilité généreuse qui intéresse le genre humain dans ses pleurs, s'ennoblit et se transforme en vertu. En plaignant les autres, nous nous consolons nous-mêmes : en partageant leurs malheurs, nous sentons moins la violence des nôtres. Recevez donc, ô mes semblables, la part que je vous dois dans mes larmes.