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jourd'hui trembler d'effroi; et chacun de mes plaisirs passés enfonce un trait dans mon cœur.

Mais pourquoi me plaindre, ou pourquoi ne plaindre que moi ? Le flambeau de l'univers ne luit-il que pour moi seul ? Suis-je le seul infortuné ? Ah! je déplore une destinée commune à des milliers d'hommes. Sous une forme ou sous une autre, il se fait à tous les mortels une substitution éternelle des douleurs de leur mère : la peine est un héritage que la femme transmet à tous ses enfans avec la vie.
Quelle foule de fléaux divers opprime l'humanité! La guerre, la famine, la peste, les orages, l'incendie, les volcans, les divisions intestines, les tyrans désolent tour-à-tour et ravagent ensemble l'espèce humaine. Ici des hommes dépossédés de la lumière, ensevelis vivans dans la profondeur des mines, oublient qu'il est un soleil : sur les mers, des êtres immortels comme le despote qui les enchaîne à la rame, y vivent attachés; toujours luttant contre les tempêtes, tant qu'ils respirent, ils sillonnent les flots, et ne recueillent que le désespoir. D'autres, pour des maîtres durs, mutilés dans les combats, vont aujourd'hui, étendant le bras qui leur reste,