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Mais alors, elle resterait laide, et son supplice allait continuer ? Laide ! Elle sentait bien qu’elle ne l’était plus, et que c’est de là que venait ce large sentiment de délivrance. Comment pouvait-elle être laide, maintenant qu’elle avait renoncé aux avantages de la beauté ! Et quelle sottise ce serait de se désoler d’un mal désormais imaginaire ! Il lui semblait que, par le fait d’avoir été demandée en mariage, elle avait repris son rang parmi les femmes, et qu’elle le reprendrait au-dessus d’elles en ayant le courage de refuser. Comme elle respirait à l’aise, comme elle était fière, calme, parfaitement heureuse ! Tous, en la voyant comprendraient qu’elle n’avait pas besoin d’être belle. Et puis enfin, est-ce qu’elle ne l’était pas ? Est-ce qu’il ne fallait pas qu’elle le fût, au moins un peu, pour avoir mérité d’être ainsi choisie ?

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— Et voilà, écrivait-elle un mois après à son amie Jane Barkhead en lui annonçant le mariage de sa sœur Nelly avec John Morris, — voilà comment il est survenu un miracle dans notre maison : j’ai été guérie de ma laideur !

T. DE WYZEWA.
fin