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si certaine de se marier, si assurée d’inspirer de l’amour ! Il fallait donc toujours souffrir ou faire souffrir, dans la vie ? Elle imagina des caresses et de tendres paroles qui ne pouvaient manquer de consoler tout le monde.

Ce qui la chagrinait le plus – et comme elle se le reprochait ! – c’était de renoncer à ces projets de vie qu’elle s’était faite avant ce soir-là, projets qui toujours l’avaient attristée, misérables pis-aller consentis à regret, mais où tout de même sa pensée avait disposé une foule d’agréables détails. Mariée, elle ne devait plus songer à aller tous les ans en Italie, à demeurer seule dans un petit cottage des environs de Londres, avec son amie Jane Barkhead. Tout cela, qui lui avait autrefois paru mesquin, maintenant elle y voyait des sources de plaisir que la vie l’obligeait à laisser hors de sa route pour aller devant elle, elle ne savait trop où.

Par quel hasard se souvint-elle d’un bal de l’Université, l’hiver précédent, et de l’ennui qu’elle y avait eu, pas un des jeunes gens ne l’ayant invitée à danser ?