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mur. Au fond, elle était gaie et tranquille, avec un sentiment de délivrance qu’elle n’avait jamais éprouvé. Elle voulut dormir : le lendemain son parti serait pris, ses derniers regrets envolés, et quelles heures délicieuses elle avait devant elle ! Elle pensa aux préparatifs du mariage : quel dommage que les robes blanches l’aient toujours enlaidie ! Elle imagina une coiffure qui ne pouvait manquer, cette fois, de la rendre charmante. Pourvu que son mari n’en vînt pas à se dégoûter d’elle, à la trouver décidément trop peu jolie, ce soir-là, ou un autre jour, plus tard, dans la vie !

Décidément, elle avait encore la fièvre : elle ne pouvait penser à rien sans aboutir à des images lugubres. Elle s’ingénia à retrouver avec précision les paroles que lui avait dites sa mère. De nouveau elle les avait toutes oubliées, sauf les premières, l’annonce, qui l’avait fait trembler d’une joie épouvantée. Si, pourtant ; elle savait que sa mère lui avait parlé de sa sœur aînée, et, en somme, n’avait point paru très heureuse.

Bah ! sa sœur lui pardonnerait. Pas tout de suite, peut-être, mais un jour bientôt, quand elle la sentirait si heureuse !… Elle fut inquiète de savoir de quel regard Nelly la verrait le lendemain. Cette pauvre Nelly souffrirait encore bien plus qu’elle n’aurait souffert elle-même à toujours rester fille : elle était