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pas, cet ami si charitable qui avait su la comprendre ? Elle s’accoutumerait à lui ; elle était trop égoïste. Comme elle allait réussir à l’aimer ! Le matin, elle se lèverait avant lui, ferait préparer son déjeuner, remonterait lui porter ses lettres. Les soirs d’été… Non, elle ne pouvait fixer sa pensée sur lui ! Quand elle apercevait sa maigre figure pâle, c’était à distance, de l’autre côté d’une table ; elle ne parvenait pas à se l’imaginer s’approchant d’elle, la tenant par le bras.

Elle était ingrate. Oserait-elle jamais lui avouer ce trouble monstrueux qu’elle éprouvait ? Et c’était là ce qu’elle donnait en échange de tant d’amour ! Elle se reprit à imaginer l’heureuse existence qui l’attendait, auprès de cet homme tout occupé d’elle, obéissant à ses moindres désirs.

La fièvre qui l’avait secouée, peu à peu s’éteignait, ralentissant le régulier battement de ses tempes. Elle s’en voulait de ne pas avoir autant de joie qu’il aurait fallu. Et ce fut, pendant des heures, une rêverie confuse, où des images de son passé alternait avec des espoirs