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Elle entendit au-dessous d’elle le bruit du piano. On avait fini de dîner et c’était sa sœur qui jouait avec le jeune homme cette valse de Grieg qu’elle-même avait apprise pour la jouer avec lui. Elle s’obstinait à se mirer, elle essayait de concentrer sa volonté dans ses yeux, comme pour une opération de magie : elle exigeait, il fallait que le miracle enfin s’accomplît !

On frappa à la porte. Mistress Mac-Gibbon entra, parut surprise de la voir debout. Et Kate, pendant qu’elle se plaignait de sa migraine, se sentit prise de haine contre sa mère elle-même, qui aurait bien dû trouver un moyen de lui éviter son malheur. Elle se tenait le front, ses mains tremblaient : oui, elle allait tout avouer.

Pourtant, elle sut rester calme et ne rien laisser voir de l’émotion inouïe qui faisait battre son cœur, lorsque sa mère lui dit que Mister Morris avait eu un entretien avec son père, au retour de la promenade, et l’avait demandée en mariage. Elle écouta sans rien dire, sans faire un mouvement de stupeur ou de joie, cette invraisemblable nouvelle. Elle apprit que le jeune homme avait voulu d’abord causer de son projet avec Nelly, que celle-ci n’avait su rien répondre, et que M. Mac-Gibbon, lui non plus, n’avait rien répondu ; que ce mariage, en somme, serait une heureuse