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qui l’accablait, la honte de ces illusions prolongées, l’impression d’un ridicule dont tous, autour d’elle, devaient s’être moqués.

Depuis lors, son existence avait été un martyre de tous les jours. Elle était précipitée dans un abîme de malheur, et toujours elle tombait, s’accrochant parfois à un souvenir ou à un espoir, bientôt forcée de descendre encore. Elle avait dû ne rien montrer de ses sentiments ; elle se demandait avec stupeur comment elle en avait eu le courage. Il lui avait fallu continuer à jouer le rôle de jeune fille, tout en sachant, en voyant écrit dans tous les yeux, qu’elle n’était pas une jeune fille, mais un être désormais sans âge et sans sexe.

Un jour, elle avait appris que les cheveux rouges redevenaient à la mode ; et son âme, toujours prête à se faire illusion, était repartie vers de nouveaux espoirs. Elle avait imaginé une coiffure singulière, mais fort bien calculée à la mettre en valeur : une coiffure d’un savant dé-