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Un jour, ce fut sa sœur qui lui fit entrevoir un peu de la triste vérité. Kate ne s’était-elle pas avisée de plaisanter Nelly sur une robe, lui disant qu’elle ne savait pas faire passer les défauts de sa figure. Ah ! comme elle se fâcha et s’indigna, lorsque l’aînée lui répondit qu’elle n’avait pas le droit d’être si sévère avec la figure qu’elle avait. En somme, elle reprenait vite toute sa tranquillité, incapable de comprendre elle-même une situation dont ses parents espéraient follement la tenir toujours ignorante.

C’est ce premier bal tant attendu qui, s’ajoutant à une foule de petits faits antérieurs, acheva de lui révéler son infortune. Sa toilette de soirée, tout de suite, lui parut l’enlaidir ; mais elle sut entrer fière, et la tête haute et souriante. Hélas ! Elle n’oublierait pas cette soirée mortelle, où elle s’était vue délaissée dans un coin, ni le second bal, ni ce troisième, où elle avait surpris des sourires trop clairs ! Pourtant, elle s’était costumée avec un art infini, et maintenant c’était surtout ce souvenir