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L’ART WAGNÉRIEN

musique dopera naquit, légère, exclusivement mélodique, mais adorable de fine grâce et d’absolue clarté : par Monsigny, Philidor. Duni, qui traduisirent, ainsi qu’avaient fait Haydn et Mozart pour l’Allemagne, les ingénues tendresses de leur âge et de leur société ; mais surtout par Grétry, le doux poète. Qu’on lise tels airs de Richard Cœur de Lion : « Je crains de lui parler la nuit… » « La danse n’est pas ce que j’aime » ; les notes y ont la précision merveilleuse des mots ; et c’est un âge délicat et léger qui s’éploie, tandis que sautillent devant nous les gentils rythmes et les phrases souriantes.

Et puis le temps des naïves afféteries s’est envolé, les âmes devenant plus inquiètes et plus sombres d’années en années. Voici déjà, exprimées par Christophe Gluck, de fortes émotions d’une grandeur quasi antique. Et déjà la langue de l’opéra s’enrichit et s’étend : deux parties, le chant et l’orchestre, concourant à l’expression ; une scrupuleuse application, — et chez nul musicien, peut-être, autant que chez Gluck, — à ce que la musique recrée seulement les émotions définies du personnage en scène : les opéras invariablement divisés en deux parties : l’une d’amusement (les ballets, certains airs), l’autre d’art : une profondeur d’analyse jusque-là insoupçonnée ; avec cela un très petit nombre démotions, les mêmes sans cesse traduites, et par les mêmes moyens. Et comme le cœur d’Orphée est douloureusement abîmé, lorsqu’il voit soudain Eurydice à nouveau perdue !

Un seul homme, après Gluck, pouvait pratiquer l’opéra. Beethoven a construit l’opéra idéal, sacrant