Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée
42
NOS MAÎTRES

Mais c’est à tout ce mouvement intellectuel du xviiie siècle que nous devons, dans notre siècle, un vrai, un exemplaire artiste, Henri Beyle de Stendhal.

Celui-là est encore pénétré de l’influence cartésienne. Il ne voit que les âmes, la liaison des motifs. Mais il comprend mieux, et perçoit plus finement, la nature de l’âme. Il est le créateur d’une vie profonde et subtile, éclairée ensuite par une philosophie pleine de lumière et de sincérité. L’àme crée ses idées : les idées résultent des volitions, et les volitions des motifs de plaisir qui dominent dans l’esprit. Stendhal a vu les hommes, autour de lui, comme des contlits de motifs, poursuivant le plaisir. Et ainsi il a créé des âmes qui sont des conflits de motifs : Julien Sorel, Fabrice, et ces personnages des chroniques italiennes dont il a fait pour nous de vivants théorèmes de psychologie.

Cependant les premiers effets de la déaiocratie grandissante furent, vers ce temps, la révélation du monde sensible et le détrônement de la raison. Les notions des objets matériels se sont colorées, affinées. Et le romantisme s’est chargé de traduire, sous la forme de l’art, ce brusque avènement de pensées nouvelles : par Hugo, épris des images précises et chaudes, par Honoré de Balzac, créateur d’une vie un peu confuse, mais où halètent les lièvres de l’argent et les ambitions des luxes mondains. Ces premiers romantiques, éblouis par les sensations neuves, n’avaient guère pu encore se faire un sens du réel : toutes les sensations leur paraissaient possibles ; et ils ne craignirent pas une