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L’ART WAGNÉRIEN

ceptions sensibles, dédaignées, s’effacèrent de l’esprit : le monde devint un harmonieux agencement de notions. Au-dessus des faits, qu’on ne voyait plus, on vit l’rdre des faits.

Cette philosophie devait tuer le drame : elle le tua. Dès le début un merveilleux artiste. Racine, a fondé la vie artistique sur les éléments de cette conformation nouvelle des esprits. Ses tragédies sont des romans psychologiques, restituant dans l’art la vie rationnelle des passions : aussi peu semblables à des drames que les dialogues de Platon ; moins encore, car Platon imaginait des entretiens véritables, tandis que souvent les personnages de Racine ne parlent point, exprimant plutôt, sous prétexte de discours, l’enchaînement de leurs motifs intérieurs. Des romans, et tout rationnels. Ces personnages sont des âmes ; leurs passions ne relèvent point de causes sensibles. Mais ils vivent leurs passions si intensément, que je ne sais point d "œuvres plus réalistes, ni plus belles.

Le xviiie siècle subit une disposition intellectuelle nouvelle et spéciale : mais je cherche vainement une œuvre littéraire qui l’ait exprimée. Ces âmes légères et raisonnables, je les trouve recréées par Watteau, par Haydn et Mozart ; elles sont indiquées dans les petits journaux et mémoires du temps : nullement dans les écrits des littérateurs. Voltaire, ce parfait maître de style, Grimm, Helvétius. furent plutôt des philosophes que de véritables artistes. Et Rousseau, le seul parmi eux qui fût un artiste, c’est à la sensuelle musique de son style qu’il doit de nous rester cher.