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NOS MAÎTRES

furent chargées d’évoquer en nous un monde de notions toutes différentes d’elles.

4o Enfin révolution eut pour effet la multiplication et raffinement des âmes différentes. Tandis que la plupart des esprits gardaient un nombre égal d’égales notions, quelques-uns, privilégiés par des circonstances séculaires, subissaient plus vivement et plus rapidement la loi de l’hétérogénéité progressive. Ils en vinrent à exiger, et pour eux seuls, des formes artistiques plus subtiles que les formes qui suffisaient à la majorité de leur contemporains.

Aujourd’hui, nous pouvons constater à l’état statique, dans le monde actuel, les différents degrés de révolution chronologique. À maintes âmes suffisent encore les arts primitifs, le récit, renonciation très générale de notions brèves et sommaires. Il est d’autres âmes plus complexes qui veulent avoir la vie de l’art recréée sur un théâtre ; d’autres encore qui, impuissantes déjà à concevoir réels des faits surnaturels, cherchent l’illusion de la vie dans les romans d’action et d’aventure. Leur sens du réel est trop subtil déjà pour pouvoir reconstituer des prodiges, pas assez encore pour avoir besoin de faits pleinement ordinaires. Au-dessus d’elles sont des âmes plus différentes ; elles requièrent exclusivement, pour recréer la vie, une forme très affinée et complexe. Elles recherchent d’intenses et délicates créations, compréhensibles souvent à deux ou trois âmes seulement. Et cette différence leur constitue une supériorité funeste, jusqu’à riieure prochaine où notre démocratie les