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LA RELIGION DE L’AMOUR ET DE LA BEAUTÉ


M. Henri de Régnier est, lui aussi, un poète. Il l’est en vers et en prose ; mais j’avoue que c’est en prose qu’il chante le mieux à mon gré. Il vient de publier un petit livre, les Contes à soi-même, où j’ai trouvé, en guise de contes, de gracieuses rêveries, des peintures discrètes et un peu effacées, et quelques-unes des phrases les plus musicales que j’aie depuis longtemps entendues. Combien une telle prose offre au poète plus de liberté que le vers le plus libre, pour traduire l’élégante variété de ses impressions ! Et combien M. de Régnier, à son tour, s’est approché davantage de la source enchantée, à mesure que les années ont mûri son cœur, et affranchi sa pensée des vaines curiosités juvéniles ! Je me rappelle ses premiers vers : le poète y était déjà, mais si timide, si gauche, si chargé d’imitations à force de vouloir être original ! Les années ont passé ; il a gardé toute sa foi à cette belle fée qu’il voyait de loin lui sourire ; et maintenant ses phrases sont, suivant qu’il le veut, douces ou ardentes, de nobles phrases très simples malgré mille ornements, toujours claires, harmonieuses, et témoignant de ce désir passionné de la perfection qui finit tôt ou tard par remplacer tous les autres désirs, dans l’âme prédestinée des poètes.


Et c’est encore, sans doute, le souci passionné de la perfection qui occupe seul la jeune àme de M. Pierre Loüys ; car on ne saurait imaginer une forme plus pure que celle qu’il nous fait voir dans