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LA RELIGION DE L’AMOUR ET DE LA BEAUTÉ

matiques de Musset qui nous chantent aux oreilles comme des échos de nos rêves !

Après cela, jeunes ou vieux, nous devons aimer la poésie, car elle est la fleur de la vie. Mais je crois obstinément que c’est une fleur délicate et tardive, et qu’il faut en avoir connu beaucoup d’autres pour goûter tout à fait son délicieux parfum. Quelques sentiments très profonds, et la musique de phrases doucement rythmées : c’est un charme que pour ma part j’ai bien tardé à comprendre. Mais volontiers je lui sacrifierais désormais les plus fortes pensées, les raisonnements les plus subtils, et les plus spécieuses vérités.


Et voilà comment j’en suis venu à trouver un plaisir infini dans la lecture d’un livre qui m’aurait semblé autrefois un médiocre roman d’aventures, de ce Dragon impérial de Mme Judith Gautier, que l’un vient de rééditer, avec une série d’autres beaux livres, dans la Collection des Romans historiques.

Je ne jurerais pas que ce soit un roman parfait : peut-être faut-il au roman plus d’analyse et moins de peinture, des caractères plus complexes et une mise en scène plus simple.

Je ne jurerais pas non plus que ce soit un tableau bien exact des mœurs et de la nature chinoises : je ne le jurerais pas, faute d’être jamais allé en Chine, et malgré qu’au fond j’en sois absolument convaincu. Mais je jure que c’est un beau, un délicieux poème.