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NOS MAÎTRES

ne trouverez rien de mieux que vous puissiez mettre à sa place. Gardez-la donc telle qu’on vous Fa donnée ; évitez d’y réfléchir, mais plutôt secourez les pauvres, travaillez pour les paresseux, engagez les riches à se défaire de cette richesse qui rend le monde si malheureux ; et surtout réjouissez-vous dans l’innocence et dans l’amour, pendant les aimables années que vous aurez à vivre ! »


Et il allait au long des routes, en chantant. Délivré de lui-même, toute l’âme des choses s’était répandue dans son àme. Il jouait avec les loups, il racontait aux oiseaux de naïves légendes qu’il inventait pour leur plaire. Je ne crois pas, comme le dit M. Sabatier, qu’il ait découvert la nature : les paysans de Rivo-Torto, qui parlaient à leurs ânes, sentaient déjà la nature plus profondément que les plus subtils de nos impressionnistes d’aujourd’hui. Mais c’est la nature qui, par un miracle touchant, avait reconnu en saint François d’Assise la plus pure, la plus gracieuse, la plus précieuse de ses fleurs. Elle s’ingéniait à lui être douce ; elle lui prodiguait les plaisirs que lui refusaient les hommes. Un jour, pendant sa maladie, il pria un de ses frères d’emprunter une guitare et de lui jouer quelques airs ; mais le frère refusa, craignant le scandale, et saint François dut se résigner. Et ce furent les voix secrètes des choses qui lui offrirent un concert. Toute la nuit il entendit