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NOS MAÎTRES

état contre nature : il allait même jusqu’à faire bon marché de la propriété légale, et plus d’une fois il a pris aux riches, sans autre formalité, des fruits ou des victuailles pour les donner aux pauvres. Il disait que l’argent venait tout droit du diable, et que le devoir de tout bon chrétien était de le laisser au diable. Et, pour ce qui est de la science et de l’intelligence, vous verrez dans le livre de M. Sabatier avec quelle ardeur il les a combattues. Lui qui pardonnait tout, lui qui nourrissait les brigands des grandes routes et qui bénissait, avec une souriante ingénuité, ses plus cruels ennemis, une seule fois dans sa vie, il se montra impitoyable : et ce fut contre un docteur es lois, Pietro Stacchia, qui avait ouvert une école dans le couvent dont il était ministre. « Supposez, disait-il, que vous ayez assez d’esprit et de mémoire pour tout apprendre, que vous connaissiez toutes les langues, le cours des astres, et tout le reste : qu’y a-t-illà pour vous enorgueillir ? Un seul démon en sait plus là-dessus quêtons les hommes réunis. Mais il y a une chose dont le démon est incapable et qui est la gloire de Fhomme ; c’est d’être bon, et d’obéir à Jésus. » — « Pourquoi des livres, disait-il encore, quand vous avez votre cœur en vous, et autour de vous tant d’étoiles, de fleurs et d’oiseaux ? » Son ordre était déjà vieux de dix ans qu’on n’y avait vu qu’un seul livre, un Nouveau Testament. Ce livre même, on ne le garda pas. Un jour, François, n’ayant rien d’autre, le donna à une pauvre femme qui venait demander l’aumône.

Le grand tort de la propriété et de la science, à ses