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NOS MAÎTRES

dans un sens trop littéral, on ne peut manquer d’amoindrir la personnalité du saint. Chacune d’elles a eu pour but, en son temps, de prouver au monde la sainteté de François : mais aujourd’hui la preuve est faite ; et tous ces songes, qui jadis avaient été si précieux, finissent plutôt par gêner. Si saint François n’avait rien fait que sur un ordre formel de Jésus, nous ne pourrions voir en lui qu’un incomparable automate. Il a été quelque chose de mieux : il a été le plus grand, le plus beau, le plus saint de tous les saints de la chrétienté.


Tel il nous apparaît, précisément, dans le livre de M. Sabatier. Peut-être l’auteur de ce livre s’est-il proposé d’écrire un pendant à la Vie de Jésus de M. Renan. À une physionomie, pour ainsi dire théologique, il a voulu, comme M. Renan, substituer une physionomie plus humaine. Et, comme M. Renan, il nous a montré son héros parmi les paysages où il a vécu : on trouvera dans son livre l’Ombrie du moyen âge et l’Ombrie d’aujourd’hui : on y trouvera encore de ces invocations lyriques et de ces comparaisons familières, qui font de la Vie de Jésus, malgré tout, un petit roman à peu près parfait. Le style de M. Renan est la seule chose qu’il n’ait point su imiter : dans ses pages les plus touchantes, sous la fraîcheur des images et la noblesse des pensées, son style reste quelconque, sans vie ni couleur : on croirait lire une traduction d’un beau poème étranger.