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NOS MAÎTRES

velles, ils sont revenus à l’imitation des modèles anciens. Ils ont, à leur tour, suivi l’exemple de nos marchands de meubles, qui depuis longtemps ne s’embarrassent plus de découvrir de nouveaux styles, mais copient fidèlement les styles des siècles passés. J’ai vu reparaître aux Salons de cette année une foule de grands peintres de jadis, depuis le Frère Angélique jusqu’à Corot et Ricard. On criait à l’imitation ; mais l’année prochaine le pli sera pris, et tout le monde sera content : les peintres, parce qu’ils sauront enfin comment ils doivent peindre, et le public, parce qu’on se remettra enfin à lui présenter des œuvres bien peintes. On m’affirme qu’il en est de même pour la musique, et que ce n’est plus seulement Richard Wagner, mais jusqu’à Haydn et Mozart qui servent aujourd’hui de modèles aux jeunes compositeurs. Et pareillement, je connais de jeunes poètes qui, fatigués de chercher d’introuvables nouveautés, s’en tiennent désormais à écrire de beaux vers imités de Ronsard. L’âge de l’imitation a commencé, pour la littérature et pour tous les arts. Et je ne puis m’empêcher d’en être ravi. L’originalité extérieure est chose de si faible poids, en comparaison de la perfection et de la beauté ! Et il y a tant de vieux genres qui ne demandent qu’à servir encore, chers vieux genres commodes et sûrs, si injustement délaissés î

C’est un de ces vieux genres qu’a choisi M. Léon Daudet, un des plus charmants et des plus oubliés, le genre du voyage satirique. Voltaire et Swift le préféraient à tous les autres, pour la peinture des vices de leur temps ; et vraiment je n’en vois pas