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LA SCIENCE

fois. « À mon âge, disait Royer-Collard à Alfred de Vigny, on ne lit plus, on relit. » Cet âge est décidément venu pour Thumanité. Nous ne voulons plus du nouveau, quand bien même il en resterait au monde. — où d’ailleurs, fort heureusement, il n’en reste plus.

Avant que ne se forme un genre nouveau, il faut que de nombreuses années le préparent : et il faut aussi que de nombreux efforts s’allient pour le constituer. Rien ne demande autant de patience, de loisir, de modestie, et de bon vouloir, excellentes choses de jadis qui s’en sont allées, et que remplacent maintenant la hâte, l’agitation, l’admiration de soi et le mépris d’autrui. Le goût de la nouveauté s’en est allé en même temps.

Il a été remplacé un moment par la recherche à tout prix de l’originalité. Chacun s’est ingénié à se distinguer de son voisin : et l’on a choisi, pour y parvenir à coup sûr, la méthode la plus simple, qui consistait à faire exactement l’opposé. Nous avons eu ainsi des vers trop longs après des vers trop courts, des peintures d’une seule teinte après des peintures en petits points de couleur ; nous avons eu des proses tout en images et des proses sans images, des musiques sans rythme et d’autres qui n’étaient que du rythme.

La méthode était simple, mais elle ne pouvait manquer de s’user bientôt. Et, de fait, il semble bien qu’on en ait fini avec l’excentricité. Déjà même les plus intelligents parmi nos artistes, résolument, se sont résignés à la seule méthode qui restait possible : renonçant à inventer des formes nou-