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LA SCIENCE

suite se produire un fait, et deux fois sur trois, ce fait s’est produit de la même façon. Les premiers hommes avaient besoin de vivre : ils ont pensé qu’il était prudent de s’arranger comme si, une quatrième fois, le fait par eux observé se devait produire encore dans les mêmes conditions. Et ils ont été amenés ainsi à associer, dans leur esprit, ridée de ce fait avec l’idée du fait qui, le plus souvent, l’accompagnait. Alors des savants sont venus, et ils ont déclaré que, dans la nature, les faits se produisaient toujours de la même façon. En effet, à mesure que l’on se rappelait mieux ces liaisons de faits, qu’on nommait des lois, elles se reproduisaient plus constamment. Et c’est ainsi qu’on en vint à considérer l’univers comme régi par des lois immuables, simplement parce que l’on avait vu plus souvent les faits se produire d’une façon que de l’autre. De siècle en siècle, toutefois, il arrivait que l’une de ces liaisons, dûment constatée et mise au rang des lois, craquait, cessait de valoir : des faits nouveaux survenaient dans un ordre nouveau : mais cela ne déconcertait point les savants, qui, vivant de la science, n’auraient eu garde de la discréditer. Ils décernaient quelque injure à leurs prédécesseurs, trop ignorants pour apercevoir l’ordre éternel des choses, et ils posaient, avec la même autorité, des lois nouvelles. Quant à croire que l’ordre des choses ne fût pas éternel, que les lois elles-mêmes se pussent modifier, ils évitaient d’y songer. Le soleil fut loué de tourner immuablement autour de la terre, puis la terre autour du soleil, en attendant