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LA SCIENCE

J’étais rassuré. Mais j’ouvris ensuite le livre de M. Ochorowicz, sur la suggestion mentale, et tout mon effarement me ressaisit. Ordonner à une femme (qui n’a pas de raison pour être autre chose) d’être Jeanne d’Arc, à merveille : cela peut même avoir de bons résultats sociaux. Mais voici qu’on peut amener — et ici encore une abondance de preuves, de précautions et de témoignages — une personne humaine à deviner, sans un mot prononcé, les plus secrets détails d’une pensée étrangère. On peut vouloir qu’une femme prenne un livre sur une table : et la femme, sans que rien de sensible lui ait indiqué ce vouloir, exécute l’ordre ainsi pensé. On peut, sans rien dire à un malade, déposer sur sa tête un gramme d’ipéca, dans un papier, en laissant même l’adresse imprimée du pharmacien : et le malade éprouve des nausées, des régurgitations, comme s’il avait absorbé le remède qui est dans son chapeau. On peut obtenir d’une jeune femme illettrée, sans lui parler aucunement, tous les détails pathologiques d’une maladie, ou bien lui faire réciter des poèmes symbolistes en dialectes de la basse Égypte. Un exercice charmant, c’est encore de vouloir qu’un homme fasse, dans dix jours, à certaine heure, certaine chose, de ne lui en point souffler mot, et de constater avec quel scrupule, au moment voulu, l’homme exécute un ordre qu’on a ainsi négligé de lui donner.

En lisant ces étranges révélations, j’eus bien peur d’être, comme les carabiniers célèbres, arrivé en retard pour m’initiera la vieille science de mon