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LA SCIENCE

fut un premier effarement. J’appris que vingt professeurs, en présence de milliers d’élèves, pouvaient, sur un ordre verbal et sans recourir à nul procédé chimique, produire chez des personnes naturelles, vivantes, la paralysie, partielle ou totale, et même un changement complet de caractère. On m’avait expliqué, le matin, que, de par la science, l’homme sent une odeur lorsqu’il est devant un objet odorant, et ne sent nulle odeur lorsqu’il n’est point devant un tel objet. Et voilà que ces vingt médecins faisaient sentir à des êtres humains des odeurs sans nul objet odorant, par le seul ordre de leur volonté ; et qu’ils faisaient aussi voir des couleurs sans nul objet coloré réel ; qu’ils transformaient, à leur fantaisie, une timide blanchisseuse en quelque Jeanne d’Arc, et que la réciproque leur était familière. Les lois tout à l’heure apprises, ces respectables lois de la nature, éternelles et immuables, est-ce qu’elles allaient se décrépir ? Avait-on encore perpétré un quiproquo, admis de fausses lois ? Et mon docteur respecté avait-il. à son insu, voulu m’éclairer avec des vessies ?

Les explications données aux phénomènes de suggestion par MM. Féré, Binet et Bernheim, je n’ai pu songer à m’en satisfaire. Ces messieurs cherchaient à réparer, de leur mieux, les dégâts causés par leurs expériences au sublime arsenal des lois de la science ; mais ils terminaient, en somme, par l’aveu de leur désarroi, laissant à leurs successeurs le soin d’accorder ces faits anti scientifiques avec la science, reflet de l’éternité des choses. Toutefois j’aperçus que, pour sembler bizarres, et