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QUESTIONS D’ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE

ne paraissent pas se douter. Dès qu’ils ont réuni tous les documents qu’ils ont pu trouver, ils croient leur besogne finie : c’est alors, au contraire, qu’elle devrait commencer, pour que nous ayons l’impression d’assister à une vie humaine, et non point de nous ennuyer à un déballage de vieux chiffons de papier.


Ces réflexions d’autrefois me sont revenues à l’esprit en lisant le dernier livre de Mme Arvède Barine, Bourgeois et Gens de peu, où j’ai trouvé racontées tour à tour les vies de cinq personnes de pays et de temps divers, du philosophe juif Salomon Maïmon, du gueux espagnol Lazarille de Tormes, d’un paysan anglais, d’un aventurier américain, et de Mme la conseillère Elisabeth Goethe, la mère du poète allemand.

Les récits de Mme Arvède Barine sont précisément le modèle de ce que peut offrir d’intérêt la biographie la plus simple, pour peu qu’on ait le désir d"y intéresser le lecteur. Je ne crois pas que Mme Barine se fatigue beaucoup à recueillir des documents, ni à éclairer d’une lumière nouvelle les événements qu’elle nous raconte. Elle n’en a point, d’ailleurs, la prétention : on dirait plutôt qu’elle s’amuse à rapporter à d’autres tout l’honneur de ses travaux. Chacune de ses études est précédée d’une longue énumération des sources où elle a puisé : et j’avoue qu’à moi-même, d’abord, il m’est arrivé de prendre ces études pour des traductions raccourcies d’ouvrages étrangers.

J’ai reconnu mon erreur en approchant de plus