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NOS MAÎTRES

dans les lettres, à peine s’il se rencontre un poète ou un romancier. Personne n’a plus de vocation que pour la critique. Et ce ne sont plus des poèmes d’amour, mais des Essais sur Ibsen, qui chantent aujourd’hui dans le cœur des adolescents.

Après l’âge de la poésie lyrique, après l’âge du roman, nous sommes entrés maintenant dans l’âge de la critique. Après Lamartine et Victor Hugo, après Balzac, Michelet et Flaubert, qui avaient dominé la littérature de leur temps, ce sont deux critiques, Taine et Renan, qui figurent en tête de notre littérature d’à présent. Et voici que ce triomphe de la critique vient de recevoir une consécration nouvelle, et inattendue : deux éminents professeurs de l’Université, MM. Hatzfeld et Meunier, viennent de publier, à l’usage des classes, un recueil de morceaux uniquement empruntés à l’œuvre de nos critiques littéraires !

Étrange recueil, composé sur le modèle de ceux qu’on nous faisait lire au collège, — avec des notices biographiques, des analyses, des notes historiques et grammaticales, — mais oii Pascal, Bossuet, La Bruyère, sont remplacés par les principaux critiques de nos journaux et de nos revues ! Les notes, surtout, m’ont fait au premier abord une impression bizarre : j’étais si peu préparé à voir accommoder de cette façon de récents articles du Temps ou du Journal des Débats ! Pour mettre à la portée des enfants la prose de nos feuilletonistes, il n’y a pas de peine que MM. Hatzfeld et Meunier ne se soient donnée. M. Lemaître, par exemple, ayant écrit que Voltaire avait voulu cor-