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NOS MAÎTRES

Sous les nécessités croissantes d’une lutte pour vivre cliaque jour plus âpre, les peintres ont dû renoncer à tout souci de l’art. Ils ont obéi, comme le reste des hommes, à la loi commerciale de l’offre et de la demande ; et dans ce marché annuel, où la concurrence les presse, et leur besoin, ils ne peuvent offrir des créations artistiques, puisque l’art n’est point ce que leur demande une société démocratique. Reprocher aux exposants du Palais de l’Industrie qu’ils ne peignent point des œuvres d’art, sous prétexte qu’ils emploient des procédés (dessin, couleurs) pouvant servir à des œuvres d’art, n’est-ce pas être cruel sans justice, et inintelligent de la seule destination que peut avoir désormais le Salon de peinture ?

Je n’ai jamais compris, tout en les respectant fort, les colères des critiques qui jugent, au nom de Tart, ces estimables denrées. La plus décente façon d’apprécier un Salon, le Salon présent, par exemple, serait à tenir nettement ce Salon pour un magasin, et les peintres y exposant pour des industriels ; puis à établir, d’après les plus sérieuses expertises, l’avantage que peuvent procurer ces diverses images à leurs acheteurs, et à quels acheteurs, et les prix moyens qui peuvent leur convenir. Et, si je n’étais pas engagé par le souvenir de Wagner à parler ici de l’art seul, je voudrais esquisser une telle critique du Salon, enfin raisonnable et sans préjugés.

Je tiendrais compte de la notoriété commerciale, du prix que possèdent aujourd’hui, du prix probable que posséderont demain telles signatures.