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RENAN ET TAINE

monde supérieur, où l’idéal de nos désirs est enfin réalisé. Vaines et risibles sont les déceptions des politiques électorales à ceux qui peuvent, lisant Platon ou M. Renan, évoquer la vision d’une République raisonnable, et, dans cette République, iioùter, éternellement, la délicieuse et vivante joie !


À Ischia, sous le volcan terrible, les cigales jouent indéfiniment la même chanson : et la monotonie de cet air, dont varient sans cesse les exécutants, dispose l’àme aux noires pensées. Mais on m’a conté que, revenu à Paris, M. Renan a rêvé de meilleurs rêves, dans ce paysage autrement pittoresque du quartier Saint-Jacques, où ne sont d’autres cigales que les douces filles des tavernes et les jeunes poètes décadents. Et l’on m’a conté que, ainsi ramené à de plus gaies visions, M. Renan vient d’écrire un drame nouveau, pouvant faire une suite au Prêtre de Némi.

Carmenta la Sybille et le sonore prophète Jérémie s’étaient trompés. Rome n’a point vaincu Albe, et Albe est devenue l’Unique Nation. Antistius qui, sur la scène, résistait si nettement aux prières de Carmenta, a enfin, dans la coulisse, cédé à ses charmes. Et de ces deux êtres supérieurs un fils est né, très beau, très robuste, et très sage. Il a tué, domptant ses répugnances, la moitié de ses concitoyens ; il a pendu Métius et Liberalis, et Cethegus : et il a fait couper en morceaux l’abominable Tertius, le bourgeois pondéré et stupide, afin d’empêcher surtout la renaissance de celui-là.