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RENAN ET TAINE

quelque Sérapéum bienheureux, ils échangeront leurs visions, créeront ensemble des vies suprêmes, par le moyen d’un vocabulaire de signes pleinement définis.

Mais, sous les menues additions qu’on peut lui faire, la théorie politique de M. Renan n’en demeure pas moins nettement posée, définitive. Et maintenant s’expliquent ces drames, corollaires, tantôt de cette théorie, tantôt destinés à critiquer les théories opposées. Caliban est la condamnation des aristocraties naturelles, non scientifiques, et occupées à des philanthropies égalitaires. L’Eau de Jouvence est l’éloge de la science, le symbole du changement que seule la science peut réaliser. Enfin dans le Prêtre de Némi nous sont montrées les vaines formes politiques actuelles, si étrangères à toute science : la démocratie servile, l’aristocratie vaniteuse, le socialisme, qui appuie une conception juste de l’État souverain sur le monstrueux contre-sens de l’égalité dans les besoins et les droits. Antistius, qui périt victime d’une tâche stérile, est le symbole des réformes partielles, toujours funestes, — misérables, surtout, lorsqu’elles veulent reposer sur la persuasion. Et si M. Renan déclare, dans sa préface, que le Prêtre de Némi prouve le triomphe final du bien, c’est qu’il prouve en effet l’impossibilité égale de toutes les théories mauvaises, et laisse pour unique conclusion, sans la mentionner, le recours à une politique rationnelle et sage.

Un dernier problème se pose. La doctrine politique de M. Renan, fondée sur des certitudes po-