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NOS MAÎTRES

de tâtonner, d’aboutir à des conclusions illogiques, souvent contraires. Tantôt, il paraît admettre que l’Univers est un mécanisme total, mû par un Être supérieur : c’est l’Inconnaissable premier de M. Spencer ; et M. Renan, hélas ! l’éclaire peu, lorsqu’il en fait un « idéal en formation ». Tantôt le monde est présenté comme un ensemble de monades, ayant déjà une vague conscience inconsciente, et réalisant, d’elles-mêmes, une fin idéale. Et sur la nature de cette fin, encore, maintes contradictions : parfois, M. Renan la dit fortuite, et il cite l’exemple du semeur aveugle ; parfois cette fin du monde est la vertu ; parfois, la vertu même est un moyen, une duperie de la nature, pour nous obliger à réaliser une fin différente. Et sur cette Nature bonne et méchante, sur ce que M. Renan appelle Dieu, combien de définitions opposées ! Dieu est, successivement, dans ces rêveries de M. Renan, le Premier Moteur de Descartes, l’Idéal formel d’Aristote, ou la Nature Naturante de Spinoza, ou le résultat du progrès, le Dieu in fieri de Hegel, ou r Homme dernier, en qui la conscience des évolutions antérieures sera toute concentrée.

Veut-on savoir encore les certitudes métaphysiques de M. Renan ? C’est, notamment, — oh ! combien M. Renan nous a répété cette formule ! — que « Dieu n’agit point par des volontés particulières », donc, qu’il n’y a point de miracles, que les éléments du monde sont des instruments et des moyens, non des fins. Et c’est l’affirmation aussi fréquente d’une fin particulière réalisée par chaque individu, ce qui remplace seulement la